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rue du pressoir - Page 2

  • LE BEBE FUGUEUR

     

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    L'histoire que je vais vous raconter est authentique.
     
    La scène se déroule dans un premier temps rue des Maronites pour se terminer rue du Pressoir.

    Mes parents m'ont raconté cette petite histoire moult fois. L'année dernière encore, mon père ne savait pas, que c'était la dernière fois qu'il se remémorait "l'exploit" du "bébé" fugueur que j'étais! Papa ne rentrait pas tous les jours car il était "mobilisé" à la caserne des pompiers de Paris. Dans un premier temps, à Nativité puis, une fois les classes terminées, à la caserne de Port-Royal.
     
    Comme il est né en 1919, il était très jeune à l'époque. Il a été mobilisé je crois, pendant la période 1939-1945.
    Ma petite escapade  se situe vers le mois de juin 1944, j'avais vingt-huit mois. Ce matin là, maman devait se rendre à l'atelier de couture, de son amie car elle effectuait des travaux de couture avec elle. Quant à moi, bien sage, j'étais avec maman dans la cour, côté atelier.
    Je tirais un petit camion rouge, bien sûr attaché par une cordelette.
     
    Silence! On tourne !
     
    Je ne sais pas par quel hasard, la porte cochère se trouvait grande ouverte ! Peut-être en prévision d'une livraison de boissons destinée au Bar dont l'arrière-boutique donnait sur la grande cour.
     
    Soudain! la liberté s'offrait à moi. Je partais à toute allure ! Vers une destination inconnue ? Pas vraiment. Je courais sur mes petites jambes.
    Au risque de tomber! Le sourire aux lèvres, apparemment très pressée d'après les observateurs, je donnais l'impression d'avoir des ailes.
    Je devais bien être consciente, dans ma petite tête, que j'étais en train d'échapper à la surveillance de Maman.
     
    Je tournais à l'angle de la rue du Pressoir, je continuais, et là, l'objectif était atteint ! J'étais devant la crèmerie chez "Maggi" !
    Pendant ce temps, panique générale, tout le monde me cherchait. J'avais été repérée ! Cernée, les chalands étaient autour de moi afin que Maman puisse me rejoindre.
    J'affectionnais particulièrement ce magasin. Je donnais le pot au lait à la crèmière. Après elle le donnait à Maman car le pot était trop lourd, les bidons paraîssaient énormes... J'adorais cette crème de lait  qui se déposait au-dessus de la casserole. En ce temps là le mot "solidarité" dans notre quartier n'était pas un vain mot. Papa n'était pas natif de ce quartier. Il venait de la rue Laurence Savart, dans le XXème. Nicole Bourg

  • CONNAISSEZ-VOUS RENE NORMANT ?

     

    France Reynaud nous écrit dans l'espoir d'être renseignée sur ses grands-parents qui vécurent rue du Pressoir. Lisez son message ci-après et n'hésitez pas à laisser des commentaires. Si vous avez connu René Normant, quelle joie ce serait pour sa petite-fille ! 

     

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    René Normant

     

    Bonjour Monsieur, 

    J'ai récemment découvert votre site et j'y suis particulièrement attachée. En effet, je fais des recherches sur mes grands-parents maternels qui ont vécu dans la rue du Pressoir, après avoir vécu rue de la Chapelle à la fin des années 20. Mon grand-père s'appelait René NORMANT, il est né en 1899 à Paris (18°) et ma grand-mère était Marie-Louise NORMANT née BLANCHETIERE, décédée de la tuberculose dans un sanatorium en 1936. Mon grand-père a vécu au 3 (ou 5) rue du Pressoir pendant la 2nde guerre mondiale et certainement après. Il vécut après la mort de ma grand-mère, rue du Pressoir avec une dame du nom de COANUS (Emma était son son prénom, me semble-t-il). Il est décédé en 1969. Ma mère, Paulette NORMANT y a vécu avec son frère Maurice. Juste en face habitait une tante "Yvonne" qui vivait avec un certain Monsieur Pierre, je crois. Je n'en sais pas beaucoup plus malheureusement.

    Je suis à la recherche de toutes personnes qui pourraient les avoir connu pour pouvoir me faire partager quelques souvenirs et en savoir plus sur ce grand-père dont je me sens si proche.

    Peut-être pourriez-vous m'aider ou me conseiller dans ma recherche ?

    Merci d'avance

    Bien cordialement,

    France Reynaud. Dunkerque (59)

     

     

  • CONVERSATION AVEC LUCILE/1

     

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    Les deux billets de Lucile à propos de la rue du Pressoir et de ses environs nous ont donné envie de la solliciter de nouveau. Lucile nous raconte les commerces qu'elle fréquentait et c'est l'occasion d'une promenade à rebours dans notre quartier tant aimé. Voici le premier volet d'un entretien au long cours.

    Vous habitiez rue des Maronites, un point de vue idéal sur la rue du Pressoir qui comptait de nombreux commerçants. Avez-vous le souvenir de l’épicerie de Madame Gilles ? 

    Lucile : Je n’ai pas fréquenté « l’épicerie de Madame Gilles ». Je la situe très bien, puisqu’elle figure sur votre plan, juste en face de l’impasse, là où la rue du Pressoir amorce l’angle droit qui va la mener vers la rue des Couronnes. Je l’ai même reconnue sur l’une de vos photos, prise à partir du haut de la rue du Pressoir. 

    C’était bien trop loin de mon poste d’observation, et ma grand-mère n’aurait jamais eu l’idée de monter si haut pour y faire ses courses, alors qu’elle disposait du Primistère et de la boîte à oublis que constituait le magasin de Monsieur Terrot où l’on trouvait de tout ! 

    (Une parenthèse, mais qui pour moi a de l’importance : M. et Mme Terrot s’honoreront de n’avoir jamais fait de marché noir durant la guerre.)

    Dans vos billets, vous évoquez de nombreuses enseignes situées rue du Pressoir. En est-il une qui vous a profondément marqué ?

    Lucile : Les courses, on les faisait essentiellement rue de Ménilmontant et boulevard de Belleville, les jours de marché. C’était à la fois une obligation et un plaisir.

    Tous les métiers de bouche étaient réunis entre la place Ménilmontant et la rue Sorbier : boulangers, pâtissiers, bouchers, charcutiers, tripiers, volaillers, poissonniers, marchands de légumes crus et cuits  (mais oui !), épiciers, et même à plusieurs exemplaires. Ce qui offrait un choix considérable. Sans oublier les marchandes de quatre saisons qui occupaient le côté droit en partant du boulevard de Ménilmontant. Je dis bien les « marchandes » de quatre saisons, car ces emplois étaient réservés, et la majorité des voitures étaient tenues par des veuves de guerre (celle de 14) qui avaient obtenu la plaque. Cela gênait peut-être un peu les chauffeurs du 96, mais quelle vie et quel charme elles donnaient au quartier ! Je me souviens, entre autres, dans le bas de la rue, de « la grande Marcelle », jolie femme de belle allure, dont l’étal de fruits et légumes était toujours élégant et les produits de premier choix. Elle avait vite fait de plier un journal pour envelopper votre salade, réservant les sacs de papier aux fruits plus fragiles.

    On y trouvait aussi tous les autres types de commerce : un grainetier, au coin de la rue Delaitre,  un marchand de chaussures, au coin de la rue Victor Letalle, des cafés/bureaux de tabac bien sûr, un grand bazar avant l’épicerie Loiseau-Rousseau, un chemisier et des marchands de vêtements, des marchands de journaux/papeteries, des pharmacies, la mercerie « Au myosotis », juste avant la rue des Amandiers, la grande bijouterie de « La Serpe d’Or » au coin de la même rue, l’Uniprix, des parfumeries, et j’en oublie…, enfin bref tout ce qu’il fallait pour ne pas avoir à descendre dans Paris !  Sans compter les cinémas sur lesquels j’aurais l’occasion de revenir.

    J’appréciais tout particulièrement « l’Italien ». Une grande boutique, à gauche en montant, qui sentait bon jusque dans la rue, et qui vous dépaysait dès l’entrée. La présentation et les produits étaient différents, les salamis et les jambons pendaient au plafond, la mortadelle était énorme, les grands sacs de toile entr’ouverts laissaient apercevoir des farines et graines inconnues et les macarons collés sur de grandes feuilles de papier blanc découpées à la demande ne se trouvaient que chez lui. Le magasin était profond. Un peu mystérieux mais tellement délicieux pour la très petite fille que j’étais à l’aube des années 40 !

    J’ai évoqué le marchand de légumes cuits. Les légumes en question, betteraves, épinards, artichauts, pommes de terre à l’huile, haricots rouges, reposaient en pyramides dans de grands saladiers blancs posés sur un comptoir de marbre. Tout cela donnait directement sur la rue, il n’y avait pas de vitrine fermée. Les pommes de terre grelots étaient vendues, soit crues grattées à la machine, soit frites et déposées bouillantes à l’aide de grandes araignées de métal dans un cornet de papier. 

    Je me suis éloignée de la rue du Pressoir. Tous les commerces m’étaient familiers, même si mes parents ne faisaient qu’y passer. Je les ai déjà évoqués dans un billet précédent Par contre, je ne revois pas l’établissement de Bains-Douches à l’endroit situé sur le plan. Je le croyais plus haut dans la rue. Il faut dire que maman fréquentait plus facilement celui situé boulevard de Belleville, à la hauteur du métro Couronnes, là où le boulevard forme une sorte de petite place.

    Entre chez Terrot, l’épicier, et l‘impasse Célestin, on comptait un « bougnat », café/marchand de charbon auvergnat - qui vendait aussi des ligots pour allumer le feu, (petits fagots de bois taillé en bûchettes et entourés d’un fil de fer ), le comptoir Maggi, et un salon de coiffure.  On m’y a fait couper les cheveux un moment. J’ai gardé le souvenir d’un praticien à la main baladeuse qui avait trouvé le moyen de conserver ma clientèle - ou plutôt celle de mon innocente mère - en me faisant un superbe cran ! Je suis moi-même surprise de constater combien ces menus détails me reviennent.

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     La rue du Pressoir comptait d’étroites perpendiculaires (Passage du Pressoir, Passage Deschamps). Vous arrivait-il de vous y aventurer et quelles images en gardez-vous ?

    Lucile : Je connaissais le passage Deschamps pour une raison très simple. Ma grand-mère donnait son linge à laver à Madame Deschamps qui occupait un petit logement vétuste dans l’une des premières maisons à gauche. Nous allions donc porter le linge sale, avec la liste des pièces confiées, et le récupérer propre la semaine suivante après pointage de la liste et règlement de la somme due. Il y avait chez cette pauvre femme une horloge comtoise qui me faisait oublier le reste. À tort ou à raison, cet endroit me paraissait terriblement sinistre et le débouché du passage sur le boulevard de Belleville non fréquentable!

     

  • CONVERSATION AVEC LUCILE/2

     

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    Où Lucile nous parle de cinéma et de pommes d'amour, de chocolats glacés et de la Rosengart de son père surnommée Trottinette.

    Avez-vous le souvenir d’un spectacle de rue et particulièrement de la fête (scénic railway, stands de jeux) qui s’étalait sur les trottoirs du boulevard de Ménilmontant ?

    Lucile : Hormis le cinéma, les sorties « parisiennes » de mes parents n’étaient pas très nombreuses.

    La Foire à la ferraille et au Pain d’épices  - qui me voyait gratifiée d’un petit cochon portant mon nom en sucre coloré, quelquefois les Puces de Montreuil, la balade sur les grands boulevards au moment des Fêtes lorsque s’y installaient les baraques du Jour de l’An, c’était à peu près tout.

    Même la fête foraine du boulevard de Belleville ne les tentait pas. On la traversait sans s’arrêter en allant rendre visite à mon parrain qui habitait le 19ème, et les pommes d’amour me subjuguaient. Je fus d’ailleurs très déçue lorsque j’en reçus une ! Par contre, on descendait fréquemment jusqu’à la République en empruntant le faubourg du Temple, ou l’on remontait la rue de Belleville jusqu’à la rue des Pyrénées. Mais disons qu’en faisant ces promenades,  on n’avait pas l’impression de sortir du quartier.

    Il faut dire que Papa alliait un fort goût pour la verdure et l’air pur à celui non moins prononcé de la mécanique. Cela tombait bien à cette époque si l’on souhaitait disposer d’un moyen de transport familial personnel. Il commença donc avec un side-car, puis s’équipa d’une vieille Rosengart baptisée Trottinette.  

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    La Trottinette Rosengart

    Quelles étaient vos promenades avec vos parents ?

    Lucile : Dès les premiers beaux jours, nous partions en forêt de Fontainebleau, sur les bords de Marne, ou ailleurs… et l’hiver, Papa désossait complètement Trottinette et bichonnait son moteur afin qu’elle soit fin prête pour la saison prochaine !

    Pendant la guerre, la voiture échappa aux Allemands, dissimulée dans une cour de la rue Julien Lacroix. Elle reprit vaillamment du service aussitôt qu’il fut possible de se procurer de l’essence. Papa n’abandonna en fait sa chère Rosengart que lorsque apparut la 4CV. 

    Plus tard, à l’âge du collège, les sorties « culture » du jeudi vers les monuments et musées parisiens, théâtres ou concerts, c’est au patronage que je les dois. Encore maintenant je rends grâce à la qualité de ces éducateurs dévoués qui surent très tôt éveiller ma curiosité. 

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    Quelles étaient vos distractions dans le quartier ? Fréquentiez-vous les cinémas ? 

    Le cinéma ! Le bon et le mauvais, en vrac, on était tellement émerveillés de l’avoir qu’on absorbait goulûment tous les programmes

    Du bas de la rue de Ménilmontant jusqu’à la rue des Pyrénées, il y avait trois salles, toutes du même côté, à droite en montant : Le Phénix, à côté de l’Uniprix, Le Ménil-Palace en face de la rue Julien Lacroix et le Gaîté-Ménil un peu après la rue Boyer.

    (C’est au Phénix que j’ai vu mon premier film : Blanche-Neige et les Sept nains de Walt Disney. Je devais avoir 5 ou 6 ans.)

    Le choix était grand car on trouvait l’Impérator, rue Oberkampf, l’Excelsior, avenue de la République près du Père Lachaise, le Zénith, rue Malte-Brun et le 20ÈME Siècle boulevard de Ménilmontant, avant la rue des Panoyaux. 

    C’était, dans ma famille, la sortie rituelle du samedi soir. Dès le mercredi on allait repérer les films qui passaient dans le quartier et les parents décidaient. On se dépêchait de dîner - surtout si le choix se portait sur l’Excelsior ou le Zénith qui étaient plus loin – et on allait faire la queue pour être bien placés. Il n’était pas question de manquer l’attraction, les actualités et le documentaire qui précédaient le film. Ni même la publicité Jean Mineur qui nous amusait beaucoup ! Les ouvreuses vendaient leurs « chocolats glacés » à l’entracte, c’était du plaisir à bon compte.

    Les films dont je me souviens surtout sont les films américains d’après-guerre . Tels Mrs Miniver ou Ouragan sur le Caine, Le Bal des Sirènes avec Esther Williams qui enchantait mon papa, Le Troisième homme avec Orson Welles. Et puis les Zorro, les films de cow-boys en général, et les péplums comme Ben Hur. Les grands films français, je les ai vus plus tard, en ciné-club. De même que le Cuirassé Potemkine dont la célèbre séquence de la voiture d’enfant qui dévale les escaliers d’Odessa nous a tous marqués. 

    À l’époque on ne se souciait guère du réalisateur, ce sont les acteurs qui avaient la vedette. Le cinéma n’était pas encore le Septième art, c’était une distraction à la portée de tous, plus facilement accessible que le théâtre. La notion de film d’auteur n’avait pas encore fait son apparition dans l’esprit du public.   

     

  • CONVERSATION AVEC LUCILE/3

     

     

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    Lucile : Je reviens sur le cinéma, tel que - je crois - la plupart des gens l’abordaient dans ces années là.


    C’était « l’histoire » qui retenait d’abord le spectateur. Puis la plastique et le jeu des acteurs. L’intérêt pour l’écriture du scénario, de la photo, du cadrage ou du son n’était pas courant. Il a fallu que le public soit progressivement éduqué pour qu’il puisse apprécier.

    Des personnalités vécurent dans le quartier, parmi lesquelles Maurice Chevalier, Georges Pérec, Clément Lépidis… Les avez-vous croisées ?

    Lucile : Je sais que notre quartier a inspiré des plumes célèbres. Je n’ai malheureusement pas eu la chance de les connaître. À moins que je ne les aie croisées avant qu’elles le soient devenues !

    Mis à part Maurice Chevalier qui était revenu tourner un court-métrage sur sa vie - ou quelque chose de ce genre - dans le fond de la rue du Pressoir, je n’ai pas de souvenirs marquants. Bien sûr la chanson « Les gars de Ménilmontant » était en quelque sorte l’hymne local et je l’avais entendue, comme tout le monde. Je dois dire que je n’apprécie ni l’homme, ni l’acteur. Ce doit être la raison profonde de mon oubli…

    Vous avez connu le photographe Henri Guérard. Pouvez-vous nous en parler ?

    Lucile : J’ai connu Henri Guérard qui faisait partie de l’équipe fondatrice de l’Ami du XXème. Nous étions proches de la paroisse Notre-Dame-de-la-Croix, et c’est tout naturellement que nous lui avons demandé de faire nos photos de mariage. Il habitait alors rue d’Annam et nul ne se doutait encore, à l’époque, qu’il figurerait parmi les grands photographes de sa génération. Les albums de mariés, où il mettait tout son cœur, étaient pour lui une source de revenus.

    L’année dernière, en compagnie d’amis retrouvés, nous avons eu l’occasion de passer un moment avec lui et son épouse qui l’a toujours accompagné dans ses travaux. Nous ignorions qu’il était devenu aveugle et cela nous a beaucoup peinés. Il nous a toutefois laissé l’impression d’un vieux monsieur charmant qui semble avoir conservé le sens de l’humour et la joie de vivre en dépit de son cruel handicap. Je regarderai maintenant nos photos avec encore plus d’émotion.

    Henri Guérard, Willy Ronis, et d’autres, ont laissé du Ménilmontant d’avant le massacre des années 60 des images inoubliables. C’est une grande chance. La mémoire est volage. C’est en participant à votre blog et en essayant de reconstituer dans ma tête les rues de mon enfance que je m’aperçois combien il est difficile d’être fidèle.


    Avez-vous été le témoin de la destruction du quartier et particulièrement de la rue du Pressoir ?

    Lucile : Je n’ai pas vécu les démolitions de masse. Nous avions déjà quitté le quartier quand elles ont commencé, mais nous les avons suivies de près en venant voir nos familles rue Julien Lacroix et rue des Platrières.

    Nos parents ne sont plus, nos amis de jeunesse se sont éparpillés à travers la France, mais c’est toujours avec plaisir que nous retrouvons sur les photos célèbres les personnages que l’on connaissait de vue et dont les silhouettes caractéristiques avaient retenu l’œil du photographe.

     

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    La plume remarquable de Lucile, la précision de ses témoignages, nous ont incité à lui poser quelques questions sur son histoire personnelle. Elle a bien voulu nous livrer certains renseignements au sujet de ses parents et de son parcours professionnel et nous l'en remercions.

    "Quand on a perdu ses parents, on se sent en première ligne. Les années passant, il arrive même que l’on tente de se retrouver en eux. À moins que ce ne soit le contraire : on cherche à les retrouver en soi.

    Mon papa était ajusteur de formation.

    Je sais qu’il avait fréquenté l’école de la rue Henri Chevreau, mais j’ignore où et comment il avait appris son métier. Toujours est-il qu’il a terminé sa carrière professionnelle comme chef-monteur au département essoreuses industrielles des Pompes Guinard.

    Ce qui l’entraînait à circuler à travers toute la France, l’Europe, et même le monde. Il n’était jamais à la maison en semaine et ne rentrait le week-end que si ses déplacements n’étaient pas trop éloignés de Paris.

    À partir des années 60 jusqu’à sa retraite, il a promené successivement sa chère caisse à outils, qui pesait des tonnes, en Espagne, en Italie, en Allemagne, au Moyen-Orient et même au Brésil où il mettait en route des installations de dessalement d’eau de mer. Au Moyen-Orient il utilisait deux passeports :  à ce moment là – déjà -  il valait mieux ne pas faire figurer sur un même document les cachets d’Israël et ceux du Liban…

    Il nous rapportait de ses voyages des informations inédites car il était en général chaleureusement accueilli par les ingénieurs locaux. Cela dit, il en fallait beaucoup pour étonner Papa, et il partait à Bahia comme s’il allait à Saint-Ouen.  L’important pour lui était de trouver sur place les compétences nécessaires à la résolution de ses problèmes techniques !

    Maman jouait les Pénélope.

    Elle tenait un poste de secrétaire-comptable dans une petite entreprise de la rue Boyer, juste en face de la Bellevilloise et de la Maroquinerie. Ce qui lui a permis, jusqu’à ce que nous quittions Ménilmontant, de profiter de son petit fils en fin de journée alors que je n’étais pas encore rentrée du bureau.

    Car à mon tour j’étais entrée dans la vie active après l’E.S.D. de la rue Soufflot (Ecole des Secrétaires de Direction). Après une dizaine d’années d’arbitrage/titres (bourse), j’ai suivi mon mari muté à Lyon par sa banque et, une fois rentrée à Paris, me suis consacrée à la vie associative : animation de club d’investissement féminin et organisation de consommateurs essentiellement.

    Comme nous vivons le plus souvent à la campagne depuis la retraite de mon mari, mes activités ont changé mais n’en sont pas moins passionnantes. Je me suis impliquée dans la rédaction du bulletin communal : histoire du village depuis son origine, de ses monuments, de sa sainte patronne et surtout, d’un personnage historique qui a marqué le 18ème siècle de son empreinte, Madame Roland, l’égérie des Girondins, dont le mari, éphémère ministre de l’Intérieur de Louis XVI, a eu le bon goût de venir se suicider sur nos terres !

    De plus, j’ai participé pendant deux ans au travail de la commission Culture de la Communauté de Communes à laquelle nous sommes rattachés. Il me revenait, après les avoir présentés et mis en valeur pour allécher nos concitoyens, de faire les comptes-rendus des divertissements divers que nous proposions : théâtre, cirque, concerts de rock, et spectacles de rue. 

    Inutile de préciser que, comme hier encore, j’ai aussi bien souvent, servi d’écrivain public."

     

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    B I O G R A P H I E DE HENRI GUERARD

    Henri Guérard naît le 19 mai 1921 au 10 rue Sorbier à Ménilmontant. Il commence à travailler très tôt comme employé de bureau. Ce travail ne lui convient pas et c’est grâce à un collègue qu’il rentre aux Éclaireurs de France et s’initie à la randonnée et au canoë. C’est lors d’une de ces sorties qu’Henri réalisera ses premières prises de vues. Il rencontre Simone qui deviendra son épouse en 1942. Le jeune couple «entre» en résistance en passant des messages ou en distribuant des tracts. Ils aident aussi, avec leurs camarades, les personnes âgées particulièrement démunies. En 1944, Henri réalise des photos de la Libération de Paris et de la bataille de Ménilmontant. Il entre cette même année au service photographique et cinématographique des armées. L’année suivante, il quitte l’armée et s’installe avec Simone comme artisan photographe. Photos de mariages, de communions, reportages industriels… sont le lot des photographes d’alors. Il travaille pour le journal «L’Ami du 20e» et commence à photographier l’arrondissement sous toutes ses coutures. Henri est le témoin des grandes mutations que subit le 20e dans les années 60. Il s’intéresse au sort des habitants et capte mieux que personne, l’atmosphère, le charme particulier de Belleville et de Ménilmontant. À partir de 1963, Henri et Simone travaillent pour les Petits Frères des Pauvres pour lesquels ils réaliseront de nombreux reportages tant en France qu’à l’étranger, tout en organisant des sorties et des animations culturelles pour de jeunes couples. Infatigable, généreux, heureux de partager son savoir, Henri Guérard animera un club photo de 1970 à 1985. 

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    PHOTOGRAPHIES D'HENRI GUERARD

    PORTRAIT D'HENRI GUERARD SUR AGORAVOX

     

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  • LUCILE SE SOUVIENT DE LA RUE DU PRESSOIR

     

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    Cinquième à gauche, arborant fièrement sa croix d'honneur sur son tablier noir d'écolière, la maman de Lucile. Cette photo prise devant le magasin de Monsieur et Madame Tabak, 24 rue des Maronites, date de 1922 ou 1923. Lucile a bien connu ces commerçants avant qu'ils ne disparaissent dans la tourmente de la guerre de 40
    Comme je l'ai précédemment indiqué, mes grands-parents maternels habitaient, dès avant la guerre de 14, 24 rue des Maronites, juste en face de la rue du Pressoir. L'immeuble existe encore aujourd'hui bien que j'aie toujours entendu dire qu'il allait être abattu !(Comme la rue du Pressoir a été percée en 1937 - ai-je lu sur votre blog - je suppose que l'intention était de rejoindre ainsi la rue Etienne Dolet dont presque tous les immeubles correspondaient à ceux de la rue des Maronites par une suite de cours intérieures.)
    Leur logement était celui, sur rue, du troisième étage. C'est là que ma grand-mère, devenue veuve de guerre, a élevé seule ses deux enfants, nés, mon oncle en 1912, et maman en 1915.
    Mes parents, jeunes mariés (Papa venait, lui, de la rue des Couronnes) s'installèrent en 1934 au premier étage du  même immeuble. Et c'est, lorsqu'en 1938 à la naissance de mon frère, ils déménagèrent pour un appartement plus confortable rue Julien Lacroix, que ma grand-mère "descendit" occuper le premier étage car les escaliers commençaient à lui peser.
    Crise du logement oblige, moi, née en 1935, je suis restée auprès d'elle. Et c'est là que le film commence...
    Dès ma toute petite enfance j'ai aimé le mouvement de la rue et j'ai gardé un souvenir précis des gens et des bruits qui l'animaient. Du haut de mon observatoire - trois fenêtres ce n'est pas rien! - j'étais aux premières loges et je ne perdais rien du spectacle.
    Je me souviens, comme si c'était hier, du troupeau de chèvres et du marchand à qui sa boite de bois peinte en bleu servait de boutique pour le lait et les fromages. Il prévenait de son arrivée avec une trompette et il fallait se dépêcher de descendre car les chèvres s'impatientaient !
    Le vitrier équipé de son harnais soutenant les carreaux qu'il ne demandait qu'à poser s'annonçait en criant, de même    que le rémouleur qui aiguisait sur place les couteaux et ciseaux.
    Moins fréquemment venaient également les matelassières, convoquées pour retaper les matelas de laine. Elles s'installaient de préférence dans les cours, mais également sans problème dans la rue. Le travail durait la journée car il fallait aérer la laine et reconstituer le matelas si la toile était encore bonne.
    J'entends encore le piétinement de l'attelage à deux énormes chevaux dont l'écurie se trouvait dans une cour à large porche, rue du Pressoir, un peu avant le passage Deschamps. Je crois me souvenir avoir entendu mon père parler de brasserie.
    Il y a avait aussi la visite du "Caïffa" qui venait régulièrement en espérant qu'on lui passerait commande une fois pour l'autre. Il laissait en toute confiance son triporteur dans le couloir de l'immeuble et montait avec sa toilette pleine de trésors. Il l'installait sur la table de la salle à manger et il était bien rare qu'on ne soit pas tenté par quelque produit d'épicerie fine. Les bouchées de chocolat à la crème et les bonbons fondants de Noël m'ont laissé des souvenirs inoubliables!
    (Je précise pour les plus jeunes, que "Le Caïffa" était une grande épicerie orange, dont l'une des succursales se trouvait presque au coin de la place Ménilmontant, boulevard de Belleville).
    Et puis il y avait bien sûr les chanteurs à qui l'on jetait du haut des fenêtres des sous soigneusement enveloppés dans du papier journal.
    Je grandissais et mon intérêt quitta naturellement le coeur de la maison pour s'étendre à ce qui l'entourait. Arriva la guerre et l'entrée à l'école. J'allais au Sacré-Coeur, rue des Panoyaux, là où Maman elle-même était allée. C'était une "grande" qui m'y accompagnait : Ginette, la fille de Monsieur et Madame Terrot, qui tenaient l'épicerie/crémerie/fruits et légumes du début de la rue du Pressoir, située juste après le café-hôtel du coin "Chez Gaston".
    Une parenthèse : celui-ci est appelé "chez Terro" sur votre plan, parce qu'en fait, la fille de Madame Gaston, la bistrote, épousa un jour le frère de Monsieur Terrot, l'épicier ! et c'est le jeune couple qui prit la suite. Mais ceci est une autre histoire !
    Toujours est-il que dans les années 40, avant, pendant et après l'Occupation, c'était pour tout le monde "Chez Gaston". Du haut de mon premier étage, j'avais évidemment une vue à 180° sur tout ce qui s'y passait !
    De l'autre côté de la rue du Pressoir et ouvrant sur la rue des Maronites, se trouvait le Primistère, encore une épicerie. Et si l'on remontait la rue côté pair, on trouvait vite le bougnat dont la patronne, "l'Auvergnate" bien sûr, tricotait continuellement des chaussettes, à quatre aiguilles s'il vous plaît !, tout en faisant sa petite promenade.
    J'étais très admirative...
    Toujours du même côté un peu plus haut, il y avait le dépôt Maggi (laiterie/crémerie à succursales). Tout blanc, le magasin frisquet à l'odeur légèrement surette, offrait ses yoghourts, coeurs à la crème et "Fontainebleau" mousseux dans des grands bacs de zinc. Il ne fallait surtout pas oublier sa boîte car on y versait directement le lait puisé dans le grand réservoir à couvercle avec les mesures de métal. J'entends encore le bruit des pots de verre que l'on rapportait et déposait sur le marbre du comptoir, le frottement contre les bacs... c'était déjà du bling-bling ...
    Cela ne dura d'ailleurs pas bien longtemps pour moi, car c'était la guerre et les tickets de rationnement changèrent la donne. Dans l'esprit d'un enfant, la guerre c'est flou. Je garde cependant très vif le sentiment de malaise, informulé à l'époque, des questions qui se posaient à propos de mes petites voisines en allées on ne savait où. Cécile, Lisette, savais-je seulement qu'elles étaient juives ?
    Certes, presque toutes les familles avaient un "prisonnier" en Allemagne (chez nous c'était mon oncle) ou un réquisitionné du S.T.O., mais les enfants n'avaient pas vraiment conscience des drames qui se jouaient. Les problèmes évidents étaient la course à l'alimentation, les rues plongées dans l'obscurité le soir venu, les bandes de papier collées en croix sur les vitres pour éviter la casse en cas de bombardement (!), l'obligation de tenir bien fermés les double-rideaux pour qu'aucune lumière ne soit visible de la rue, et les coups de sifflet des chefs d'îlots rappelant à l'ordre les récalcitrants. Et puis, à partir de 1943, je crois, les alertes, et les sirènes qui  en annonçaient le début et la fin. En principe il fallait descendre aux abris : en ce qui me concerne, ma grand-mère accueillait des voisins de l'immeuble et nous jouions en attendant que cela se passe !
    Le plus pénible souvenir de cette époque demeure pour moi - surtout lorsque j'y repense maintenant - le matin où je vis, rue du Pressoir, les familles juives regroupées au pied de leurs immeubles par des agents en pèlerines, leurs petites valises à la main et l'air complètement perdu. Ce devait être un jeudi, puisque je n'étais pas à l'école. On sait ce qu'il en est advenu.
    La Libération arriva enfin en 1944 et la vie reprit son cours. Je me souviens avec émotion du bal du premier 14 juillet qui suivit, organisé par un café du "fond" de la rue du Pressoir, bal où je n'avais pas le droit d'aller - j'avais neuf ans - mais dont les flons-flons arrivaient jusqu'à moi. C'était la fête.De même lorsque le Tour de France repartit et que l'on suivait au jour le jour, sur la carte de France dessinée à la peinture à l'eau sur la vitre de chez Gaston, le parcours et les résultats d'étapes. Cela attirait un monde fou et chacun y allait de ses commentaires. Moi, j'observais et n'aurais cédé ma place pour rien au monde ! Lucile
  • LUCILE SE SOUVIENT DE LA RUE DU PRESSOIR/2

     

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    24 et 26 rue des Maronites

     

    En fait, les jours passant, chacun prit vite conscience qu'il y eut "avant" et "après" la guerre.

    Mais, comme la nature après un trop long hiver, la vie reprit son cours en essayant de rattraper le temps perdu. On avait toujours aussi froid puisqu'il n'y avait pas assez de charbon pour alimenter les salamandres, mais le peu de circulation automobile permettait aux enfants de se réchauffer en jouant dans la rue. Ce ne sont pas les véhicules à gazogène qui encombraient la chaussée. Si les filles se réservaient le saut à la corde ou la marelle, les garçons avaient le monopole des jeux de billes ou d'osselets, et dévalaient la rue du Pressoir à bord des traîneaux de leur fabrication.

    Certes maman était sévère, il n'était pas question que je descende "jouer sur le trottoir".
    Bah ! ce n'était pas grave! Seul un petit étage me séparait des autres.
    J'étais aux premières loges pour apprécier les concours de gymnastique qui s'organisaient spontanément au carrefour Maronites/Pressoir. Une certaine Denise dominait la bande de la tête et des épaules, spécialiste qu'elle était de la grande roue et du poirier ! Les jeux de saute-mouton n'étaient pas mal non plus, d'autant que là tout le monde participait. De même à la navigation des bateaux de papier dans les caniveaux quand les employés de la ville les mettaient en eau et bouchaient l'entrée des égouts avec des sacs de sable.

    Bref, aux adultes les soucis, la queue à la porte des magasins approvisionnés, la course aux rumeurs quant aux arrivages prévus - qui n'arrivaient pas - et, bien sûr, toujours les cartes d'alimentation. (Je crois qu'elles ont bien dû persister jusqu'en 1947).

    Le dimanche matin, on oubliait tout ça. La fanfare défilait dans le quartier, remontait la rue du Pressoir et les musiciens récupéraient de leurs efforts dans les bistrots du "haut". Les vendeurs de L'Humanité tenaient leurs permanences. À l'heure du déjeuner arrivaient les chanteurs de rue. L'un d'entre eux, en élégant costume noir, saluait à la ronde avec son chapeau melon, en guise de remerciement. L'homme-orchestre passait aussi, mais moins régulièrement ; il en était d'autant plus apprécié.

    L'été, pour se procurer de la glace, il suffisait de héler au passage le camion qui approvisionnait les nombreux cafés.
    À l'aide de son crochet de fer, le livreur débitait un morceau dans les grands pains dégoulinants, l'entourait d'un papier blanc, on le payait, et on se dépêchait de le déposer dans une bassine pour rafraîchir les boissons.
    Il se trouvait toujours au cul du camion un ou deux galopins prêts à sucer les glaçons éclatés !
    En soirée, si la chaleur était trop pesante dans les petits logements, les grand-mères descendaient leur chaise pour bavarder au frais sur le pas des portes.

    De temps en temps, il y avait bien quelques bagarres chez Gaston, mais d'une façon générale la vie était plutôt paisible.

    En 1945, j'allais sur mes dix ans. J'étais en troisième année de catéchisme, le temps était venu de faire ma communion solennelle. Mais... il y avait un "mais" !
    Pas question de faire la fête si mon oncle et parrain n'était pas rentré de captivité.
    La cérémonie était prévue pour le 31 mai : Parrain nous arriva sans prévenir au début du mois !
    De plus, il rapportait des rations américaines et du chocolat !

    La joie fut grande à la maison et il fallut mettre les bouchées doubles pour s'organiser. On profita de l'occasion pour célébrer le baptême de mon petit frère qui avait été repoussé en raison des événements. Ma grand-mère paternelle sortit de ses cartons la tenue de communiante de ma tante (robe, voile et aumônière), qui datait bien de trente ans, mais qui, mise à ma taille, amoureusement lavée, amidonnée et repassée fit son effet le moment venu.

    Le déjeuner familial posa, lui, beaucoup plus de problèmes et réclama une grande dose d'ingéniosité.
    Heureusement, Papa avait ses habitudes en vallée de Chevreuse où il allait régulièrement à vélo échanger ses tickets de tabac contre un peu de ravitaillement. Il rapportait le plus souvent des haricots secs et du blé en grains. Concassés dans le moulin à café, mêlés à de l'eau et cuits à la poêle dans trois gouttes d'huile, on se régalait d'une "galette", que je n'ai pas oubliée. Surtout lorsqu'elle était un peu brûlée !
    Pour le repas de communion, il fallait absolument trouver autre chose. Je ne saurais dire comment les opérations se déroulèrent, mais nous eûmes une pièce montée confectionnée en famille grâce à la générosité de chacun.

    La cérémonie en elle-même perpétuait les fastes "d'avant". Les garçons d'un côté, les filles de l'autre, un cierge à la main, formaient la procession à partir de la rue Étienne-Dolet et pénétraient dans l'église en empruntant les superbes volées de marches qui, pour moi, font de Notre-Dame-de-la-Croix le plus bel édifice XIXème de Paris. La foule était nombreuse, les cloches carillonnaient, croyants et incroyants se rassemblaient autour de la tradition.

    Après, ce fut l'examen d'entrée en 6ème, le collège Sophie-Germain ... la fin de l'enfance.
    En 1947, un téléviseur apparut dans la vitrine de l'électricien de la rue des Couronnes et les badauds purent se regrouper pour assister au mariage de la princesse Elizabeth, future reine d'Angleterre.
    Le monde avait changé, sinon le quartier.

    L'année 1953 fut celle de mon premier vrai chagrin. Ma grand-mère chérie nous quitta brusquement et je laissai ma maison pour retrouver le domicile de mes parents, rue Julien-Lacroix. Heureusement, je connaissais déjà celui qui quitterait sa rue des Plâtrières pour devenir mon époux. Papa et Maman avaient eu la bonne idée de conserver la jouissance de l'appartement. Il nous fut précieux lorsqu'en 1957 nous avons enfin pu nous marier, les obligations militaires du sursitaire étant considérées comme accomplies après un maintien de 27 mois en Tunisie ! C'est donc ensemble que nous retrouvâmes le 24 rue des Maronites.

    Notre mariage eût lieu naturellement à Notre-Dame-de-la-Croix et nous descendîmes les marches entourés de nos amis, précédés par le Suisse en grande tenue avec bicorne et hallebarde, ainsi que cela se faisait à l'époque. Cela sous l'oeil bienveillant de la foule rassemblée comme d'habitude, sur la petite place en bas de l'église, lorsqu'il y avait des cérémonies. Les marchandes de quatre-saisons de la rue de Ménilmontant pouvaient bien attendre un peu les clients, on prenait son temps le samedi matin !

    C'est Henri Guérard, qui n'était pas encore le célèbre photographe qu'il est devenu, qui immortalisa pour nous ces moments de bonheur.

    Toutefois, la rue du Pressoir n'en avait pas fini avec moi ! Un jour de 1958, la guerre d'Algérie faisant rage, deux factions rivales avaient choisi les cafés arabes du côté impair pour s'affronter. C'est en vitesse que nous avons dû déplacer le berceau de notre fils de crainte qu'une balle perdue n'arrive jusqu'à lui !

    Les années 1960 se profilaient à l'horizon et l'on parlait déjà d'échanges d'appartements en vue de la démolition des immeubles, vétustes ou non : un relogement en banlieue contre un abandon du quartier. Si c'était un crève-coeur pour les vieux Parisiens de souche, il faut bien avouer que l'espoir d'une installation plus confortable faisait envie aux jeunes. Je crois que nul ne se rendait compte des dégâts esthétiques qui se perpétraient. À ma connaissance, il ne fut malheureusement jamais question de réhabilitation.

    Par chance pour nous la question ne se posa pas. Nous avons cédé la place à mon frère et ma jeune belle-soeur, de sorte que l'appartement du 24 rue des Maronites resta "dans la famille" quelques années encore. Finalement l'immeuble fut épargné, ainsi que le 26. Ils sont toujours debout aujourd'hui, plus fringants que jamais !

    Depuis des décennies nous ne vivons plus à Ménilmontant, mais nous y avons laissé une grande partie de notre coeur.
    Et même de sérieuses attaches, puisque notre fils a choisi d'habiter Belleville. Question de gènes probablement ...

    Il ne faut pas oublier que Ménilmontant n'a été de tout temps qu'un quartier du village de Belleville ! Lucile

  • NOEL RUE DU PRESSOIR/NOEL DANS LE MONDE

     

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    Fallait-il prendre au sérieux les propos d’un précédent billet où j’affirmais me foutre des Noëls et de ses illuminations, depuis plusieurs années ? Eh bien non ! Tous les ans, inlassablement, je répète la même chose, Noël n’aurait, pour moi, plus aucun intérêt. Mes propos n’ont plus la même résonance lorsque le mois de décembre pointe le bout de son nez. Je prépare les commandes de jouets pour mes petits enfants et les cadeaux pour les grands. Malgré mes 60 ans, c’est toujours avec un immense plaisir que je chine, jamais de lassitude lorsqu’il s’agit de donner du bonheur. Cette année, encore, la hotte du Père Noël sera bien remplie et il est fort possible, qu’en cette douce nuit de Noël, il perle le long de mes joues une larme en voyant les yeux écarquillés de mes petits enfants de 3 ans.

    Comme tous les ans, je repasserai, en boucle, les beaux Noëls de mes enfants mais aussi, ressortira de ma mémoire, en noir et blanc, le vieux film des années 50, celui de mon enfance rue du Pressoir. J’attendais, avec impatience, ce réveillon de Noël, ce repas festif préparé entièrement par mon père, de son premier métier boulanger, pâtissier, cuisinier, médaillé de bronze, médaille que je conserve précieusement dans son écrin. Je sais aussi que le Père Noël déposera, à minuit, le cadeau tant espéré. Il le déposera sous le sapin, haut de plus de 2m, qui trône comme un roi dans la salle à manger. J’ai pris soin, avant de me coucher, de mettre en évidence, près du sapin, mes pantoufles qui devraient se remplir de friandises en chocolat. Mais pour découvrir tout ça, il me faudra attendre le lendemain matin. Un seul jouet par enfant acheté avec des bons de la Semeuse.

    Je me souviens encore mais, là, mon film est comme monté à l’envers car ce souvenir se passe avant Noël. Mes parents, mes 3 sœurs et moi, occupions un deux pièces cuisine au 3ème et dernier étage de l’immeuble 25 rue du Pressoir, peu avant le grand jour, mon père grimpait sur le toit de l’immeuble en passant par une trappe située sur le palier et, de la haut, par le conduit de la cheminée, envoyait des oranges. Les yeux pétillants de joie, je suivais le parcours de ces oranges tombant du ciel, traversant la salle à manger pour terminer leurs courses dans la cuisine. Je me précipitais pour les ramasser, mais quel dommage que mon père n’ait pas assisté à cette magie. Où était-il ? Je ne me posais pas la question, je lui raconterai cette aventure lorsqu’il sera de retour. Maman disait que le Père Noël passait au- dessus de l’immeuble. Je n’avais pas 6 ans.

    Il était aussi de coutume, quelques jours avant le 24, de mettre ses chaussons au pied du sapin et si le Père Noël jugeait que, dans cette maison, les enfants avaient été bien sages, il pourrait déposer, en général, une guimauve enrobée de chocolat. 

    Je ne sais si cette tradition était propre à ma mère ou due à ses origines Ardennaises, à la frontière Belge, qui dans ce cas pourrait faire penser à Saint Nicolas, d’autant plus que Maman parlait souvent du Père Fouettard, les deux sont indissociables. Quoi qu’il en soit, j’ai perpétué la tradition avec mes enfants sans toutefois être comparable.

    Voilà, encore une petite scène de la vie, chez moi, au 23-25 rue du Pressoir. Maintenant, je vais faire comme les enfants, attendre que le Père Noël descende du ciel,  bien installé sur son traîneau tiré par ses rênes et accompagné de ses fidèles lutins. Bien que je préfère offrir que recevoir, je sais que sa hotte contiendra moult cadeaux pour moi de la part de ma famille, je sais aussi, qu’entre autres cadeaux, je découvrirai le bouquin de Guy Darol, Héros de papier.

    Je désire terminer ce récit en souhaitant à tous les visiteurs du site rue du Pressoir ainsi qu’à Guy Darol, sa maman et sa famille, sans oublier mon ami Bienvenu Merino, un joyeux Noël et que vos projets se réalisent. Puisque nous arrivons en période de vœux, une France moins bordélique et la paix dans le monde. Mais ça c'est peut-être trop demander. Josette Farigoul

  • LUCILE DE LA RUE DES MARONITES

     

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    Je suis tombée par hasard, il y a quelques jours sur votre site et depuis je ne fais qu'y penser. Mes souvenirs, et ceux qui m'ont été transmis par mes parents, me reviennent en mémoire, sans souci réel de chronologie, mais de façon très vivace. En effet, je suis née en 1935 et ai habité pratiquement, jusqu'en 1959, dans l'immeuble situé 24 rue des Maronites, juste en face de la rue du Pressoir. Mes grands-parents maternels y avaient "émigré" dès avant la guerre de 14, quittant la rue Saint-Blaise et St-Germain de Charonne pour N.D. de la Croix de Ménilmontant. Depuis les trois fenêtres de l'appartement, la rue du Pressoir fut durant toute mon enfance un lieu d'observation privilégié. Mes souvenirs sont à votre disposition si vous le souhaitez pour, notamment, ajouter des commentaires antérieurs aux années 50 à l'excellent plan que vous avez dressé. Lucile Flèche

    Nos rues sont voisines et sans doute avons-nous quelques souvenirs en commun. Merci, Lucile, de nous adresser votre témoignage. Et peut-être possédez-vous des images du quartier avant sa démolition ? Nous sommes très intéressés, très émus, et d'avance nous vous remercions. Ecrivez ici

  • RUE DES MARONITES/UN TEMOIGNAGE

    En cueillant des souvenirs du passé, Nicole Bourg a traversé les images de notre Rue du Pressoir. Elle y a laissé un émouvant témoignage.

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    Je viens de parcourir une partie de votre entretien avec Mr Bienvenu Mérino et je m'aperçois que vous êtes resté assez peu de temps rue du Pressoir. Moi aussi j'étais "protégée", avec une éducation stricte ! Il fallait avoir de bons résultats scolaires. En fait, j'adorais l'école, mais toujours avec cette petite appréhension de ne pas réussir. Je voudrais rendre hommage ici à mes institutrices, Mesdames Buissière, Bertin et Florès. Si elles sont encore de ce monde, elles sont très âgées. Peut-être ont elles des descendants... C'est grâce à elles que j'aimais tant l'école. Moi aussi, je suis une idéaliste et j'ai un profond mépris pour l'injustice. Je veux toujours refaire le monde. C'est peine perdue, me direz vous, mais en ce qui concerne "Notre quartier" j'ai encore beaucoup de souvenirs. Aussi des récits de mes parents sur ce quartier qui a tant souffert. Pendant la guerre, ils étaient très jeunes! Je suis née le 3 Février 1942 à Paris, vingtième arrondissement. 

    J'habitais au 31, rue des Maronites. Nous avions une concierge. Pour rentrer il fallait sonner puis elle ouvrait depuis sa "Loge". D'abord,  il y avait une première grande cour avec des petits ateliers, dont l'un était tenu par une amie de Maman. Elles étaient couturières. Cette amie de Maman  s'appelait Giovanna Vespetti. Son nom d'épouse était  madame Mignon. C'était comme une tante pour moi. Il y avait aussi ses parents assez âgés. D'autres encore dont nous étions très proches. Les grandes personnes étaient solidaires. Dans la petite cour, il y avait une petite imprimerie avec deux employés. Dans le bâtiment voisin habitaient mes grands-parents. A l'étage en dessous, mon oncle Giuseppe. Dans le bâtiment en face,ma tante Elisa. Au 34,rue des Maronites, le frère de maman vivait dans un petit appartement (plus grand que le nôtre) avec son épouse et ses enfants.C'était une grande famille! Nicole

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  • DE LA RUE DU PRESSOIR A BERCK PLAGE


    La famille Idoux arrive à la mer
    par
    Bienvenu Merino

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    De la voiture au side-car

    Dans les années 1880, les constructeurs d’automobiles hésitèrent longuement entre la vapeur et l’électricité pour actionner leurs moteurs. Finalement, ce furent l’essence et le moteur à explosion qui prévalurent, parce qu’ils étaient plus pratiques pour les longues distances. En 1891, sous licence Daimler naquit la première voiture à essence française, Panhard et Levassor. En 1894 s’effectuait  la première course automobile Paris-Rouen que gagna une De Dion-Bouton à vapeur. Le code de la route naquit en France en 1899.
    Dans le 20e arrondissement de Paris, rue du Pressoir, la famille Idoux habitait aux numéros 23-25 dans un bel immeuble, mais cependant sans grand confort et sans que les propriétaires sous influence de l’état ne veuillent faire le nécessaire pour rénover les appartements. Mais en août, la famille Idoux partait en vacances, à Berck Plage : le side-car, la mer, le soleil, les copains… Pour notre amie Josette, le rêve ! Comme certains parisiens, monsieur Idoux était un féru de motocyclette et plus tard de side-car. Et là alors, adieux les soucis, le travail, bonjour la vie. Partir en vacances avec ses trois filles et son épouse : un régal !
    1905 vit apparaître la première ligne d’autobus à moteur Saint-Germain-des-Prés/Montmartre et le taximètre automobile. Les fiacres, bien que modernisés sur pneumatiques et dotés du dernier confort, même de chaufferettes en hiver, ne survécurent pas à cette concurrence et disparurent un à un. L’électricité vaincue sur la route par le moteur à essence prévalut au contraire pour les chemins de fer souterrains. A la fin du siècle dernier, l’ingénieur breton Fulgence Bienvenüe construisit la première ligne de métropolitain Vincennes-Maillot. Elle fut inaugurée le 19 juillet 1900, pendant l’Exposition Universelle. Avant de triompher, le métro avait rencontré bien des oppositions. Les cochers de fiacre le prétendant insalubre l’avaient baptisé le « nécropolitain ». A la Chambre, un député l’accusa même d’être « antipatriotique et attentatoire à la gloire de Paris ! » Il est vrai que, à l’origine, les projets de métro aérien proposés défiaient parfois l’imagination et l’esthétique. Enfin, la modération l'emporta, les Parisiens apprécièrent leur métro, ses stations de faïence blanche et ses bouches aux grilles évanescentes de pur moderne style.
    Le trafic fluvial sur la Seine allait bon fleuve. Les chalands et les péniches croisaient, les fameux bateaux-mouches, qui font encore la joie des touristes après avoir desservi la ligne régulière Pont-d’Austerlitz/Viaduc d’Auteuil. Ils avaient été créés en 1866, à la veille de l’Exposition Universelle, afin de succéder aux coches d’eau. Passée la floraison fantaisiste des voitures artisanales de tous genres et de tous styles, à deux, trois ou quatre roues, la production automobile se normalise en atteignant le stade industriel après la guerre de 1914. Dans les années 20, le cycle-car livra le dernier assaut des voiturettes, perdu d’avance. Le succès de cette ingénieuse curiosité n’eut qu’un temps. A la recherche de lignes aérodynamiques triomphaient déjà de belles voitures comme les Bugatti, Delahaye, Hispano-Suiza.
    1934 vit l’apparition de la traction avant Citroën, tandis que la loi des quarante heures et les congés payés de 1936 lançaient sur les routes la triplette et le tandem. C’est de cette époque que date l’exode estival des Parisiens. Monsieur Idoux n’attendit pas très longtemps pour se fabriquer ingénieusement, lui-même, son propre side-car en forme de noix, derrière comme devant. Formidable cocon familial, pour réunir sa petite famille au complet et essayer de vivre heureux son amour !

     

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    La famille Idoux en voyage

     

  • LILIANE ET JOSETTE

     
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    Josette et Liliane, deux copines de la rue du Pressoir
    Cher Guy,
    Je vais maintenant parler de mon amie d'enfance Liliane. Notre amitié a débuté en 1961 sur le trottoir de la rue du Pressoir et nous sommes très vite devenues inséparables. Notre relation n'était pas du goût de tout le monde, certains locataires du 23 comme du 25 l'ont, d'ailleurs, fait savoir. Ma foi, cette amitié dure depuis 47 ans.
    La photo de nous deux date de 1963 ou 1964, nous n'avons pas en mémoire l'année exacte. Elle a été prise sur le Boulevard de Belleville, par un photographe qui se tenait sous un porche à côté d'un petit cinéma où, très souvent, il était programmé des westerns. Ce cinéma se situait pratiquement à la hauteur de la rue Ramponneau.
    Peu après notre rencontre notre bande de copains s'est formée : six garçons pour deux filles  en majorité de la rue du Pressoir sauf deux du Passage Deschamps. A cette bande de garçons s'ajoutaient les frères de Liliane, les jumeaux.
    Toute notre bande se retrouvait, toujours chez Liliane où nous pouvions, en toute liberté, profiter pendant des heures de franches rigolades, danser et chanter. Comment résister à la déferlante des groupes anglos-saxons, des Rockeurs comme Elvis et bien d'autres puis des Yé-yés  qui nous arrivaient, à commencer par Johnny, les Chaussettes Noires et les Chats Sauvages ? Quelle révolution pour notre jeunesse !
    Nos ballades dans tout  le quartier et principalement sur le Boulevard de Belleville, les diabolos fraises, les glaces à l'Italienne, le Ménil Palace, le Cocorico sans oublier les garçons que nous rencontrions sur notre parcours... Dans ce domaine, jamais l'une n'a empiété sur le territoire de l'autre et pour cause, pour une fois, nous n'avions pas les mêmes goûts. Liliane préférait les bruns et moi les blonds aux yeux bleus et de préférence aux cheveux longs. Evidemment Liliane possédait un sérieux avantage sur moi, mon idéal ne se trouvant pas à tous les coins de rues.
    Nous nous retrouvions, aussi, très souvent au café de la rue du Pressoir chez Mme Andrée. Le soir nous écoutions Salut les Copains, nous étions souvent assises en face du garage sur la pierre.
    En 1964 j'ai fait embaucher Liliane dans l'entreprise où je travaillais, place Martin Nadaud en face du Père Lachaise, elle y travaille toujours sauf que l'entreprise a déménagé. Après 45 ans de bons et loyaux services elle prendra sa retraite en 2009.
    Pour ma part, à cette époque, cette vie ne me convenait pas. A 16 ans j'avais décidé de partir au Canada mais j'avais simplement oublié qu'il m'était impossible de laisser ma mère seule. Je me suis sacrifiée et j'ai, alors, abandonné mon projet.
    Voilà la petite histoire de Liliane et de Josette, deux copines de la rue du Pressoir.
    A bientôt, cher Guy,
    Josette

  • LE PIETON BLANC

    à Jérôme Mesnager, créateur de ce piéton que je rencontre parfois lors mes promenades salutaires

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    Depuis de longues années je croise le piéton blanc, silencieux. Que se soit, rue du Temple, sur les hauteurs de la Courtille , rue du Soleil, proche des choses simples de la vie, et aussi près des livres. C’est là que nous nous sommes rencontrés, hier, en librairie. Nous avons, lui et moi, la marche en commun. Je me suis demandé s’il arrivait du Père Lachaise, tout proche. Cependant je ne le pense pas ! Là, à l’oreiller de la rue du Repos demeurent ses collègues, eux, ne se déplacent pas ou très peu.

    Je l’ai vu si souvent le piéton blanc que parfois je me dis : « Ce doit être effrayant de savoir que les cimetières de Paris se vident de leur défunts personnages, en période de Toussaint, quand viennent les familles au cimetière avec une jolie fleur à la main».

    C’est un marcheur d’avenir, ne croyez pas le contraire ! Et aussi un coureur de fond comme il existe des mineurs de fond. Mais lui ne serait jamais entré dans l’ossuaire des Catacombes, même pour une courte visite. Il se sent mieux à l’air libre, encore que….

    La promenade est une activité sans équivalent, un art à part entière, à laquelle seule une élite débarrassée des basses contingences matérielles peut goûter pleinement à condition de posséder une certaine « ingénuité de l’âme » et un bagage culturel approprié. Un art de vivre en somme qui est plutôt de l’ordre esthétique qu’intellectuel. Jeu du corps qui met en branle les mécanismes de l’esprit. Mais cependant, je vous certifie qu’il  ne faut pas être intello pour se dire marcheur. J’ai beaucoup vu lors de mes voyages des familles entières marcher dans la pampa Argentine ou tout au long des routes du Brésil, de Puerto Allègre à Fortaleza, de Bahia de tous les Saints à Manaus, tous étaient à la recherche du sauveur,  d’une miette de travail ou simplement parce qu’ils n’avaient pas les moyens de  payer le transport.

    Jean-Jacques Rousseau pratiquait régulièrement la promenade, pour réfléchir et herboriser à loisir. Dans sa jeunesse, il effectua plusieurs longs voyages à pied dont le premier le conduisit à travers les Alpes, depuis Genève jusqu’à Turin.

    Arthur Rimbaud fit la traversée en hiver du Saint Gothard, à pied. Voici quelques lignes de ce qu’il écrivit : « …la route, qui n’a guère que six mètres de largeur, est comblée tout du long, à droite, par une chute de neige de près de deux mètres de hauteur, qui, à chaque instant, allonge sur la chaussée une barre haute d’un mètre qu’il faut fendre sous une atroce tourmente de grésil. Voici…  plus une  ombre dessus, dessous ni autour… plus de route, de précipice, de gorge, ni de ciel : rien que du blanc à songer, à toucher…voici… à fendre plus d’un mètre de haut sur un kilomètre de long. On ne voit plus ses genoux de longtemps… »

    Aujourd’hui, l’homme en difficulté, essentiellement urbain, qui vit dans la rue, s’oppose traditionnellement au chemineau, son homologue des routes et des villages qui avait fait de la nature toute entière son royaume.

    Marcher pour ne pas mourir ou devenir fou ! Avant de sombrer profondément dans la dépression, le narrateur d'Un homme qui dort, mon ami Georges Perec était un homme qui marchait jusqu’à ce qu’il se retire définitivement dans sa mansarde, parfaitement indifférent au monde.

    momotombo.JPGJ’ai rencontré en Alaska des marcheurs rares, des vrais, qui du voyage avait fait un métier et que je retrouvais tout au long des saisons, dans des pays très éloignés les uns des autres. Certains de ces voyageurs rencontrés en Alaska, je les revoyais quelques mois après à Irazú,  volcan du Costa Rica, à plus de 3432 mètres d’altitude, puis plus tard au sommet de deux autres volcans, au Nicaragua, le Momotombo et le Momotombito , et bien plus tard, en Terre de Feu, là- bas où fini le sable, au large de Puntas Arénas, Chili, où Augusto Pinochet isola au milieu des glaces, hommes et femmes, afin qu’ils comprennent que la liberté n’était pas leur DROIT, jugeant en son âme et conscience qu’ils méritaient d'être considérés comme des chiens.

    Le vrai marcheur, connaît rarement l’ennui, la solitude, la peur, le racisme, il s’intéresse à tout.  Tout est réflexion, discipline et labeur et il doit posséder beaucoup de talent,  pour que les expériences les plus difficiles lui soient profitables et légères, afin d’entreprendre  de façon professionnelle, comme un danseur de tango et de flamenco, sur les pointes des pieds, et rester à la hauteur des plus grandes étoiles du firmament, proche, non seulement des hommes et des femmes, de la jeunesse et des anciens, mais également des bêtes : loups, ours, rapaces, tout ce qui est sources intarissables qui peuvent enrichir son expérience. Il est, pour certains, de ces étoiles ayant fui  les écoles, et pour d’autres,  passé tous les examens de la conscience se graduant au fil des kilomètres, des chemins et des routes où chaque jour il doit résoudre les problèmes, seul, sans rien demander au monde, au contact d’une nature gigantesque où le voyageur se livre, corps et âme, les yeux grands ouverts, se cultivant ainsi de toutes les choses la vie, et utilisant avec subtilité les combinés appris au contacts quotidiens avec leur environnement sauvage ou au contraire très civilisé.

    Dans le monde actuel, moderne, nous avons en France, un exemple, non du marcheur, mais du coureur peu commun, le Président de la République, Nicolas Sarkozy. Lui n’est pas un marcheur, mais un coureur des bois, Bois de Boulogne, il a su se débarrasser de «  toute la racaille » du Bois des Amants, afin d'être mieux à l’aise pour réfléchir, tout en courant, et affronter les problèmes des ni putes ni soumises. Comment pénétrer la zone,  lui qui n’a jamais vécu la joie ou la tristesse de ces filles. C’est un vrai sprinter, à sa manière d’affronter l’obésité des autres, la précarité, et de se débarrasser de l’empilement haut des dossiers, de la came, du poids de Cécilia, de la légèreté de Carla, des fidélités de sa troupe de ministres girouettes fragiles. Regardez ! Besson, Attali, et tous les autres, régiment de trouillards avançant avec obéissance derrière leur petit  Napoléon de Président. C’est un chique-came, qui renverse la vapeur quand il  veut, et roule les mécaniques, tel un boxeur, avant d’allonger une droite à un adversaire de gauche. Et flac ! Il a du répondant dans la voix : « Qui a dit ça ? Descend si t’es courageux ! » Et dans le geste, lorsqu’il pince du bout de  ses doigts secs, la joue de sa chère Cécilia, le jour où il prend les pouvoirs à L’Elysée, devant des milliards de téléspectateurs de la planète entière. Pincée comme on tourne un interrupteur pour éteindre la lumière. Le visage de son épouse, Albéniz, ce jour-là,  avait tout de la bonne espagnole égarée et paumée, servante au Palais du Prado comme si le Caudillo mécontent l’avait  réprimandé et humilié, et dont ce Prince de l’Elysée serrait la joue entre ses pinces, devant la Cour et des centaines d’invités. J’ai vu ça, à la TV , l’intronisation vraie et chèros, ne confondez pas, chair et en os, ce qui est de même. Les dernières élections Présidentielles auxquelles l’Etat nous convoquait étaient en effet dominées par l’enchevêtrement contradictoire de deux types de peur. Il y a d’abord la peur que je dirais essentielle, celle qui caractérise la situation subjective de gens qui, dominateurs et privilégiés, sentent que ces privilèges sont relatifs et menacés et que leur domination n’est peut-être que provisoire, déjà branlante. En France, puissance moyenne dont on ne voit pas que l’avenir puisse être glorieux, sauf si elle invente la politique qui soustraira le pays à son insignifiance et en fera une référence émancipatrice planétaire, l’affect négatif est particulièrement violent et misérable. Il se traduit par la peur des étrangers, des ouvriers, du peuple, des jeunes de banlieues, des musulmans, des noirs venus d’Afrique…Cette peur conservatrice et crépusculaire, crée le désir d’avoir un maître qui vous protège, fût-ce en vous opprimant et paupérisant plus encore. Nous connaissons  les traits de ce maître aujourd’hui : le coureur Sarko, un flic agité qui fait feu de tout bois, et pour qui, coups médiatiques, financiers, amicaux et magouilles de coulisses sont tout le secret de la politique.

    Pour revenir à mes amis fidèles, le piéton blanc, est d’une grande honnêteté et humanité. Son activité est grande ; je l’ai vu à New-York, sur la muraille de Chine et bien plus loin encore, avant que nous traversions ensemble la mer pour aller à loisir au Portugal, vers des sourires et des amours, comme si là était nos métiers.

    Cher piéton blanc, si l’idée vous prenait de stationner, rue du Pressoir vous encourez le risque d’un procès-verbal. Ici, tout est réglementé. Certains guettent. Vous êtes prévenu si vous voulez faire de vieux os.  Bienvenu Merino 

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    Momotombo

     

  • JOSETTE FARIGOUL/BIENVENU MERINO/LE GRAND ENTRETIEN

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    La rue du Pressoir (vraiment) autrefois

    Bienvenu Merino : Josette Farigoul, cela fait plus de quarante ans que vous n'étiez pas revenue, rue du  Pressoir. Retrouve-t-on sa petite enfance en faisant à nouveau ses premiers pas dans cette rue qui n’a plus rien à voir avec celle  qui vous a vu naître? Je crois que vous aviez dix neuf  ans lorsque vous avez du quitter l’immeuble avant que le quartier ne soit livré à la destruction pure et nette. Ce n’est pas trop difficile d’en parler ?

    Josette enfant 1.JPGJosette Farigoul : A cette première question je répondrais que je n’ai absolument pas retrouvé ma petite enfance lors de la redécouverte de cette rue du Pressoir. Pour moi, tout de suite j'ai eu le sentiment d’une rue inconnue, mais qui portait toujours le même nom. Je ne peux pas dire que parler de cette rue, où je suis née, me soit vraiment difficile et encore moins depuis cette vision. En fait, je crois que la rue du Pressoir, berceau de ma petite enfance, est définitivement mémorisée dans ma tête. Le passé devient plus vivant, les images plus précises et plus particulièrement le 23/25. Les personnages s’animent, l’entrée de l’immeuble revit avec ses va-et-vient. Dans la cour, les enfants cavalent dans tous les sens en riant. Je revois les escaliers des deux immeubles avec ses joies et ses peines, les paliers et leurs locataires. Tout devient plus net et les flashs éblouissants.

    B.M. : Vous semblez assez sereine devant les numéros 23-25 qui étaient l’entrée de votre immeuble. Pense-t-on à la mort, juste là, sur ce trottoir arrondi, où il ne reste plus rien de ce passé ? Ou peut- être, pensez-vous plus au  départ  forcé que vous avez dû subir pour aller vous ne saviez où ?

    J.F. : A vrai dire, lorsque j’ai redécouvert le 23/25, bizarrement, et je m’en étonne moi-même, je ne pensais à rien. Impossible d’obtenir de ma mémoire une image qui me ferait revivre mon passé, franchir le seuil de la porte de l'immeuble d'autrefois, revoir ma cour en espérant, en levant la tête vers le ciel, apercevoir une silhouette qui serait celle de ma mère à sa fenêtre de salle à manger, mais non, rien, une amnésie totale. Une cruelle déception car à cet instant, j’aurais adoré ressentir, au moins, un petit quelque chose, mais non, le zapping complet. Après avoir quitté cette rue, sur le chemin du retour vers la Normandie, petit à petit, les images du passé sont remontées à la surface. Le puzzle s’est reformé comme par magie. A ce moment-là, j’ai compris que je venais, tout simplement, de gommer la vision de la connerie.

    B.M. : Josette, vous souvenez-vous de la réaction de vos parents, de vos sœurs, et votre propre réaction, lorsqu’il a fallu quitter l’appartement, déménager du quartier, faire les valises et les cartons, s’éloigner de vos amis ; en somme, quitter votre village. Tout compte fait, tout un pan de vie s’écroulait, non ?

    J.F. : A cette question, je ne dirais pas qu’un pan de vie s’écroulait, tout du moins, pas au début. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, aussi bien pour ma famille que pour la majorité des personnes expulsées, je n’ai jamais ressenti de réactions négatives. Je n’ose dire que nous étions presque heureux de quitter, comme beaucoup le pensait, des taudis. Je ne suis pas tout à fait de cet avis, un certain inconfort, certes, taudis pas vraiment, il suffisait d’avoir un peu d’imagination pour faire de ces logements, sans confort, de petits coins où, malgré tout, il faisait bon vivre. Si j’ose écrire « heureux », il ne faut pas oublier que l’on nous promettait des logements plus vastes avec salle de bains et toilettes, ce petit plus devenait important aux yeux de tous. Nous pouvons aussi parler de résignation en somme, il fallait partir, nous sommes partis. La dératisation s’est effectuée sans problème. La nostalgie a pointé le bout de son nez un peu plus tard , elle provenait plus particulièrement de nous, les enfants, beaucoup moins des parents. Je n’ai pas souvenance d’avoir entendu mes parents parler de la rue du Pressoir avec regrets. Mon père est décédé en 1970, très tôt après l’expulsion, et avec maman, jusqu’en 1984, je n’ai en mémoire aucun souvenir de grande conversation à propos de notre rue. La génération de mes parents a connu la misère, la guerre, la lente remontée de l’après guerre, il fallait se reconstruire. Pour beaucoup l’inconfort des logis était présent depuis leur naissance. On peut supposer que ce déménagement vers un appartement plus confortable apportait un peu de soleil à leur vie. C’est un constat personnel. Par contre, très tôt, avec les copains d’enfance et d’adolescence, ceux de la belle époque, nos retrouvailles se sont toujours transformées en délires phénoménaux. La rue du Pressoir passée au crible nous amenait à d’interminables éclats de rires et à ces moments-là, plus personne n’existait, pas même nos conjoints. N'existaient que nous, petite bande de fidèles, cercle fermé aux autres, n'existait que cette rue et ce quartier à nous. Nous remontions le temps,  corps et âmes, dans notre monde, à l'abri d'un autre monde, du moins pour quelques heures et ça continue  depuis plus de 40 ans.

    B.M. : A vous voir assez tranquille le jour de votre retour rue du Pressoir, vous ne sembliez pas trop émue, en tout cas vous ne le montriez pas. Cependant le lendemain vous étiez complètement remontée et vous écriviez  un récit poignant. Tout semblait, souffrance. Comment expliquer cette réaction le lendemain. J’ai eu assez de chance d’avoir été personnellement épargné ce jour là, par votre colère,  alors que j’avais  grand plaisir à vous faire retrouver votre rue du Pressoir. J’espère que vous ne  regrettez pas mon invitation ?

    J.F. :Vous avez vu juste, aucune émotion je le confirme. Pourtant depuis de nombreuses années, je désirais retourner vers cette chère rue du Pressoir, seulement il fallait bien se rendre à l'évidence, je ne retrouverais rien de mon passé, j'en étais  consciente. J'ai donc laissé filer le temps,  me disant toujours,  j'y vais, j'y vais pas, jusqu'à votre invitation que je ne regrette absolument pas. Ne dit-on pas qu'il faut boucler la boucle? Et bien voilà c'est fait ! Arrivée au coin de cette rue, de mon enfance, très vite dès les premiers pas, j'ai ressenti un blocage complet, pétrifiée et hypnotisée, je restais sans voix devant la bêtise humaine. Qu'avaient-ils fait de cette rue, jadis si joyeuse et vivante! Regardez l'ancien plan de la rue, avec ses dizaines de commerçants, cafés, hôtels, artisants, etc. Si vous vous rappelez, très peu de personnes ont croisé notre chemin ce jour-là. Aujourd'hui, elle est devenue, juste une rue dortoir, sans vie, une rue qui file le bourdon. Sur le trajet du retour, je pratique toujours de la même manière, je me remémore , je réfléchis beaucoup, j'analyse et le couperet tombe. Si seulement dans ce désastre, j'avais reconnu un petit quelque chose de l'ancienne rue du Pressoir, une chose infime du passé, on peut imaginer une réaction différente. Mais là aucun point de repère, d'où ma vive réaction le lendemain. Le soir même j'ai commencé à cracher mon venin en visionnant, dans ma mémoire, la nouvelle rue et et en superposant l'ancienne. Conclusion: du grand n'importe quoi, malheureusement encore d'actualité. Dans chaque gouvernement sommeille un lot de petits génies qui, dès qu'ls sortent de l'inertie réalisent leurs fantasmes avec souvent un manque de goût certain. Nous en avons la preuve.

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    B.M : A cet emplacement précis où nous nous trouvons maintenant, autrefois le numéro 12 de la rue du Pressoir, il y avait là,  les « BAINS, DOUCHES, HYDROTHERAPIE COMPLETE ». C’était un bâtiment du début du XXe siècle, en ‘fer à cheval’, magnifique,  avec des fleurs au milieu d’une cour superbe où, femmes, hommes et enfants, pouvaient se promener et se reposer après le bain. Vous souvenez-vous, vous y veniez étant jeune fille ? Et que ressentez vous, aujourd’hui, là ? Je vous vois faire la grimace ou plutôt je dirais, vous êtes figée, pâle! Ça va Josette ?

    Numériser0020.jpgJ.F. : Mon cher Bienvenu,  pour répondre à votre question: ça  va très bien! Et effectivement, je fais la grimace et pour cause. Je ne me rappelle absolument pas des Bains-Douches du 12. Si ma mémoire est bonne, nous allions sur le boulevard de Belleville, juste après la rue des Couronnes, en direction de la rue de Belleville. A cet endroit se trouvaient des douches, probablement moins coûteuses. A vrai dire je ne sais pas trop. Il me semble bien aussi que nous avions droit à une douche par semaine à l'école. Je suis obligé de sourire à cette évocation, je vais vous dire sincèrement que la douche n'était pas, à cette époque, pour nous, enfants, notre préoccupation première, du moins jusqu'à l'adolescence. Voilà la vérité rien que la vérité!

     

     

    B.M. : Vous avez découvert récemment, publiées  sur le site, par Guy Darol, les photos émouvantes, que vous a fait parvenir votre ami d’enfance, Roland, ainsi que celles du photographe, Henri Guérard. Sur l’une d’entre elle, des années 1963, on y voit, que poussière, vous souvenez-vous de ces moments où tout est voué au rasage dans un gris de typhon catastrophe ? Et sur une autre photo, de 1960, vous avez pu voir une poupée écartelée, accrochée ou clouée, la tête en bas. Ces images qu’évoquent-elles pour vous alors que déjà au loin se dresse  le premier immeuble neuf de ce qui va devenir la nouvelle rue du Pressoir. Vous voulez nous en parler ?

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    Photo Henri Guérard

    J.F. : La démolition des immeubles a commencé dès 1960 par les numéros pairs de la rue du Pressoir. Je ne me souviens pas de ceux détruits en premier. Je n'avais que 12 ans en 1960. Par contre, je revois très bien la démolition, en 1963, de l'immeuble en angle de la rue du Pressoir et rue des Maronites. J'étais là, debout au milieu d'une foule de badauds dans l'attente que cet immeuble tombe en poussière. Incroyable, en y pensant aujourd'hui, nous repartions couverts d'une mince pellicule grise-blanche sans nous rendre compte, à ce moment là, que toute notre Josette et Liliane bd de Belleville 62-63.JPGrue, petit à petit se transformerait en un tas de gravats. Cette même année, des constructions sortaient de terre et certains immeubles étaient déjà prêts à l'habitation. On ne se préoccupait pas vraiment de ces nouvelles constructions, nous restions de notre côté. Les premières constructions, si je me rappelle bien, étaient principalement destinées aux rapatriés d'Algérie, mais certainement pas pour nous, les 'pestiférés'. Interdiction de rentrer dans ces immeubles. Avec ma copine Liliane nous arrivions à pénétrer dans certains, rien que pour y emprunter les ascenseurs. Je me souviens d'un brin de révolte, de ma part, envers les premiers occupants ne comprenant pas très bien ce qu'étaient ces gens qui se ramenaient en territoire conquis. Notre numéro 23/25 a assisté aux transformations de la rue de Pressoir jusqu'en 1968 ou 1969, puis s'est écroulé comme un château de cartes emmenant avec lui tous nos souvenirs d'enfance et d"adolescence. Dorénavant notre seul repère la courbe restée intacte, bien maigre consolation.

    B.M : Josette, reviendrez-vous, un jour, habiter à Ménilmontant ? La première fois que je vous ai posé la question, le jour même de notre rencontre,  vous m’avez répondu, je cite : « Oh ! que non .. ou alors…. peut-être… dans le 16e arrondissement ! » Vous restez  toujours sur cette affirmation. Paris vous manque t-il ?

    J.F. : Ma question préférée, celle qui tue et qui me fait encore rire, vous seul savez pourquoi, monsieur Merino, c'était une boutade que je vous ai lancée un soir de délire et ma réponse alors était évidemment fausse, excusez-moi. Malgré tout, je confirme que non, mon intention n'est pas de retourner vivre à Ménimontant et pas plus dans le 16e. La campagne semble plus appropriée à une solitaire. J'étoufferai en appartement. Je suis un signe d'air, l'espace, la verdure et la liberté avant tout. Paris ne me manque pas ou ne me manque plus. Une confidence tout de même : cinq années ont été nécessaires pour me séparer de Paris et je dois vous avouer que, plus d'une fois, l'envie de tout quitter a effleuré mon esprit. Il est fort possible que sans enfant je serais repartie vers ce cher Paris de mon enfance. Le temps et la sagesse ont fait le restant. De temps en temps j'y retourne, pour des spectacles ou pour des raisons personnelles. Paris restera toujours Paris à mes yeux. Je suis parisienne. Nous retournerons, un jour, si vous le voulez, arpenter les rues de mon quartier de Belleville-Ménilmontant!

    B.M. : Volontiers Josette, je reviendrai avec plaisir dans ce Ménilmontant d'une valeur inestimable pour beaucoup de parisiens. Si vous voulez bien, deux questions encore! En parlant de vous-même et de l’un de vos amis, vous dites : « deux enfants paumés ». Je sais que vous avez vécue bien des  épreuves mais avec  le temps , vous pouvez encore dire,  aujourd'hui, que vous étiez  vraiment paumés, malgré l’entourage affectif de votre famille ? Secundo,  vous avez parlé avec beaucoup d’affection, de Coco, votre voisin Algérien qui habitait au fond du couloir du rez- de- chaussé dans un espèce de gourbi. Si je comprends bien, Coco était en sorte, un protecteur de votre famille et aussi il apprenait à faire le couscous à votre maman. Vous avez des nouvelles de Coco, qu’est-il devenu ?

    J.F. : Pour répondre tout d'abord à cette question, vous dites  "entourage affectif". C'est un bien grand mot. A cette époque et dans beaucoup de famille, l'affection n'était pas vraiment présente, les parents aimaient leurs enfants mais à leur manière. Cette expression, deux mômes paumés" n'est pas spécialement approprié à la situation, nous ne vivions pas en dehors de la réalité. Nous étions, malgré tout, bien seuls et le fait de se retrouver, Roland et moi, était l'occasion d'oublier ce qui, peut-être, nous attendait le soir. De quoi parlions nous, assis côte à côte sur les marches du rez-de-chaussée, je n'en ai aucune souvenance, rêvions nous de châteaux en Espagne? D'un ailleurs où notre vie serait moins grise que la façade de notre immeuble? Pas certain, ou alors tout simplement parlions-nous de nos prochaines vacances à Berck-Plage ou au lot de petites vacheries entre amis ? Ca c'estprobable. Cette vie était la notre et nous l'acceptions telle qu'elle était. Tout ce que nous donnions à nos parents nous paraissait normal et tout naturel. Ce mot "paumés" est un peu caricatural, juste un peu perdus, égarés, presque rien, un petit rien qui laisse des traces indélébiles mais avec un peu d'intelligence on vit très bien. Et si je parle de cette enfance, c'est qu'elle était néammoins formidable. Par contre, une fois adulte, je savais très bien qu'il me faudrait apporter, à cette vie, quelques petites modifications, afin qu'elle ne ressemble pas trop à celle de mon enfance. Garder le bon et éliminer le mauvais, ne pas reproduire le même schéma. Si nous parlons de Coco, effectivement, il était en quelque sorte un protecteur, surtout pour mon père. Nous avons beaucoup compté sur lui. Une armoire à glace ce Coco !  Et connu de tout le quartier. Il est revenu deux fois, je crois, nous rendre visite dans notre nouvel appartement, puis lui aussi a dû quitter la rue du Pressoir et par la suite nous n'avons plus eu de nouvelles de lui.

    B.M. : Josette Farigoul, encore une question pour terminer notre entretien. Depuis, quelques mois, vous avez un contact par courriel, je dirais privilégié, avec Guy Darol, journaliste, écrivain et voisin d'enfance rue du Pressoir, dont vous ignoriez tout, jusqu'à la récente découverte de son site. Et là, vous apprenez qu'il est,  lui aussi, né dans le même immeuble, au même numéro de la rue du Pressoir. En plus, il est écrivain. Cela doit vous faire plaisir je suppose, car vous m'avez confié que lorsque vous étiez enfant, c'était un de vos souhaits de pouvoir écrire. Aujourd'hui,  chaque jour, des centaines de personnes peuvent vous lire sur le site de la rue du Pressoir. Comment vous vivez cela? C'est exaltant n'est-ce pas ?

    J.F.: Cette dernière question m'embarrasse. J'ai du mal à parler de mon ressenti intérieur, ce n'est pas que je ne veux pas mais je ne sais pas. Effectivement ce contact courriel avec Guy Darol me donne beaucoup de satisfaction et m'a permis de concrétiser, en partie, ce souhait que je n'ai jamais pu réaliser avant, par manque de temps. Ma pensée chimérique est quelque peu devenue réalité. Exaltant aussi, bien évidemment, mais tout ce que j'ai accompli ou donné dans ma vie n'était que cadeau, les choses étaient faites tout naturellement  sans contrepartie. Pour terminer sur notre rue du Pressoir, je dirai que j'étais loin de m'imaginer, en la quittant en 1966, que le fantôme de cette rue, et principalement le numéro 23/25, hanterait mes jours et mes nuits. Pour conclure cet entretien, je voudrais remercier Guy Darol, pour la création du site sur notre chère rue du Pressoir car je suis heureuse de m'être laissée embarquer sur sa vieille bécane à remonter le temps. Par son intermédiaire, notre rue du Pressoir s'est de nouveau animée comme au  bon vieux temps des années 50/60. Belle aventure que la mienne, bisous, Guy.

    Merci à vous, Bienvenu, pour votre invitation au voyage. Ce jour là, j'ai repris le chemin des écoliers et remonté la rue de mon enfance après 41 ans de réticence à retourner sur les lieux que je savais à tout jamais anéantis. Je vous embrasse Bienvenu.

    BM. :  Josette, merci infiniment d’avoir répondu à mes questions avec autant de vérité et de générosité.

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    Le café où Josette Farigoul et Bienvenu Merino se sont rencontrés en avril 2008

     

                                                                                                     

     

     

     

     

                                                                                                       

     

     

     

     
  • LA RUE DU PRESSOIR EST TOUJOURS HABITEE / CLARIKA TEMOIGNE

     

     

     

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    Après avoir consulté le blog de la Rue du Pressoir, le coruscant chanteur André Borbé me fit savoir qu'il avait de très bons amis qui habitaient le coin de nos souvenirs. Il a demandé à Clarika de raconter. Elle nous parle de notre vieille rue avec une sentimentalité qui témoigne que la vie y demeure affable. Les boules de fonte n'ont pas anéanti le coeur palpitant de l'enclave parisienne. On remercie Clarika (chapeau bas !) tout en espérant d'autres évocations. Résidents d'hier et d'aujourd'hui, n'hésitez pas à maintenir le lien. Vos billets seront toujours les bienvenus.

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    La rue du Pressoir vue de la rue des Maronites


    "Aujourd'hui, la rue du Pressoir c'est quelques barres d'immeubles qui, au visiteur ahuri ou nostalgique, apparaîtront comme un concentré d'inhumanité, symbole d’une société moderne désincarnée et terrifiante.
    Pour celui qui a connu, sans doute, les riches heures des petites rues tortueuses et animées du quartier, j'imagine que le retour à cette réalité bétonnée et peu familière doit sembler une bien piètre fatalité.
    Eh bien voilà, j'habite rue du Pressoir, enfin disons que c'est par cette rue que les amis qui viennent nous visiter (moi et ma famille ...) arrivent,  car  les grilles et clotûres édifiées de toutes parts pour protéger le quidam, empêchent un accès, somme toute logique, par la rue perpendiculaire , la rue des Maronites, par laquelle, moi-même détentrice d’un Pass (quel privilège ...!), je peux naturellement entrer... Bref, vous comprendrez que mon immeuble fait l’angle de ces deux rues (cette ultime précision afin d’être la plus pointue possible sur mon contexte vital !) .
    Ainsi donc, c’est après avoir pianoté sur un interphone où des listes de noms interminables défilent, puis, obtenu une réponse de l’hôte consentant, que le visiteur obtient enfin le sésame et le droit de s’ introduire dans la forteresse... antre clos et arboré, appelé la cité par mes filles ("On va jouer à la cité ... ").
    J'habite ce genre d' immeuble où il vaut mieux , justement....  habiter (le pire est de lui faire face !).
    Eh bien, lorsqu’on a intégré ces quelques désagréables donnes architecturales et logistiques, lorsque l’on vit là, on se dit que ... c'est tout sauf la jungle. Bon, bien sûr, habitant un dernier étage, j'ai la chance de dominer Paris (dois je l' avouer ?) et de pouvoir contempler les toits, le ciel, l'infini, et aussi d’ avoir des pelouses et des arbres en fleurs au-dessous de chez moi.
    Certes, je me demande encore comment on peut imaginer un ensemble "architectural" en soi si moche, dans un entourage si typiquement panamien.
    Plus qu’une faute de goût, j’en conviens !
    Mais voilà, comme bien d’autres, Je vis dans mon quartier, entre la rue des Maronites, la rue Etienne Dolet,  du Liban, le boulevard de Belleville, de Ménilmontant... Mes filles sont à l'école du quartier, je traverse quotidiennement la place Maurice Chevallier, le bar à Chichas et sa terrasse ( mmm ! les odeurs de narguilé qui flottent au vent !), la boulangerie où on achète le goûter des petits, le bar La Pétanque où se retrouvent, après avoir déposé leur progéniture, les mères encore en pyjama sous le blouson en cuir,  les yeux cernés ... parce que "...pas assez dormi ...!"
    Mais un petit noir, ça vous colle la pêche !
    Les deux commerces survivants de la rue des Maronites (sans compter le petit bar sympathique qui fait l’angle avec la rue du Liban, et l’association culturelle berbère qui s’occupent des petits après l’école),  la pharmacie et la librairie, sont le tissu social du quartier ... Les mamies s’attardent  et papotent sans fin derrière le comptoir de la pharmacie. Les mômes courent acheter des bonbons dès la sortie de l'école chez le libraire, un vrai gentleman , gentil et patient, qui sait rester zen en toutes circonstances.
    Aux beaux jours, les gosses traînent partout, en vélo, crient.

    Si la paranoïa aigüe des propriétaires des "Résidences" a fait s'ériger d'affreuses grilles qui quadrillent, sectorisent, enferment (pour protéger quoi on se le demande...), il reste heureusement des bonnes âmes pour ouvrir aux gosses qui veulent rentrer ou laisser passer les "gens", ceux qui n' habitent pas là, et qui effraient des "résidents" craintifs  (et pathétiques parfois).

    Voilà, la poésie n’est  pas  toujours où on l’attend, et, certes, ne faisons pas d’angélisme mais , oui... la vie palpite aussi sous la grisaille du bitume,  Clarika"

     

     


     

    CLARIKA/"Bien mérité"


     

  • L'ANCIENNE VOIE FERREE

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    Photographie Bienvenu Merino/2008
    L'ancienne voie ferrée à 200 mètres de la rue Julien Lacroix, en montant la rue de Ménilmontant. C’est là, je suppose,  que Guy aimait regarder voir passer les trains. Si on se penche un peu à travers les grilles, derrière l’immeuble de béton, on peut voir tout là-bas, à gauche, le 23-25, rue du Pressoir. Et à droite à coté du HLM, l’endroit où vivait Georges Perec, rue Vilin. Quelle horreur de revoir cette rue, où près de la colline pareille à des seins de femmes les mômes venaient se désaltérer aux tétons de Marguerite, la belle, qui le soir se promenait sur le trottoir du boulevard de Belleville pour distribuer ses petits billets aux nécessiteux du quartier. Bienvenu Merino
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    Georges Perec dans la rue Vilin

     

  • UN PLAN REACTUALISE DE LA RUE DU PRESSOIR

    Josette Farigoul a exploré de mémoire, avec l'aide de complices studieux, les moindres recoins de la rue du Pressoir. Le plan de notre rue s'étoffe. Les façades parlent de nouveau. La rue est redevenue vivante. Animée de ses commerces enfouis sous les décombres, elle nous livre les secrets que les démolitions ne sont pas parvenus à taire.

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  • UNE 4 CV RUE DU PRESSOIR

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    Rue Etienne Dolet
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    René, Simone & Titine
     

    Monsieur, 

    C’est notre fils, qui nous a tenu au courant du site, rue du Pressoir.

    Et bien, ces documents peuvent, je pense, vous intéresser. Une carte postale de la rue Etienne Dolet, que nous avions dans nos papiers et une photographie de notre 4 C.V. Renault, celle stationnée, rue du Pressoir, avant que la rue ne soit démolie complètement. Sur  la photo que je vous envoie, avec notre voiture, nous sommes, au mois d’Août 1956, pendant nos congés payés, près de la Nationale 7, où nous faisions une halte casse-croûte, avant de rejoindre le sud.

    Avec mon épouse nous avions l’habitude de garer la « Titine » rue du Pressoir ou rue des Couronnes (où nous habitions), parfois,  boulevard de Belleville.  Ma foi, c’était déjà assez difficile de se garer.

    Très cordialement,

    René et Simone

    Merci du fond du coeur chers René et Simone !

  • BELLEVILLE MENILMONTANT CHANTE PAR ARISTIDE BRUAND

     
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    Aristide Bruand
    Papa, était un lapin
    Qui s'appelait J.B. Chopin
    Et qu'avait son domicile
    À Belleville.

    Le soir avec sa petite famille
    Il s'en allait en chantant
    Des hauteurs de la Courtille
    À Ménilmontant, à Ménilmontant !

    Il buvait si peu qu'un soir
    On l'a retrouvé sur le trottoir
    L'était crevé bien tranquille
    À Belleville !

    On l'a mis dans la terre glaise
    Pour un prix exorbitant
    Tout en haut du Père-Lachaise
    À Ménilmontant, à Ménilmontant !

    Ma soeur est avec Eloi,
    Dont le frère est avec moi,
    Le soir sur le boulevard y me refile
    À Belleville

    C'est comme ça qu'il gagne sa braise
    Et son frère en gagne autant
    En refilant ma soeur Thérèse
    À Ménilmontant, à Ménilmontant !

    Le dimanche au lieu de travailler
    Ils nous montent au poulailler
    Voir jouer le drame ou le vaudeville
    À Belleville

    Le soir, ils font leurs épates
    Ils étalent leur culbutant
    Minces des genoux et larges des pattes
    À Ménilmontant, à Ménilmontant!

    C'est comme ça que c'est le vrai moyen
    De faire un bon citoyen,
    Ils grandissent sans se faire de bile
    À Belleville !

    Ils crient "Vive l'Indépendance"
    Y z'ont le coeur bath et content
    Et barbotent dans l'abondance
    À Ménilmontant, à Ménilmontant !


  • VISAGES DE LA RUE DU PRESSOIR

    Et toujours, le 14 juillet chez Frédo.
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    Les patrons du café chez Frédo, je les ai reconnus tout de suite en découvrant cette photo. Josette Farigoul
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    Merci encore du fond du coeur à Roland pour ces chouettes images.
     

  • VISAGES DU 23-25 RUE DU PRESSOIR

    Toutes les images qui suivent sont un don précieux de Roland. Nous le remercions du fond du coeur.
    La cour de l'immeuble du 23/25 rue du Pressoir  et plus précisément mon immeuble. Une première cour pavée comme un carré et qui se termine par une cour étroite et longue. Tout de suite sur la gauche, le matelassier, quelques marches à descendre pour se retrouver dans cet atelier en sous-sol.
    On voit vers le fond la première marche des escaliers du 25.
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    Les jolies fenêtres du 25, prises de la cour de l'immeuble du 27. On me dit que se sont mes fenêtres, moi je pense plutôt que se sont les fenêtres du 2ème, celles de Mme Bidault.
    Les fenêtres de droite sont celles des paliers et les deux  autres celles des appartements.
    L'immeuble sur la gauche est celui de Guy. Les fenêtres des locataires de chaque palier à droite au fond.
    On peut distinguer, en bas à gauche, une espèce d'avancée. A partir de là nous arrivions dans le couloir de notre entrée d'immeuble. On peut imaginer dans ce couloir, tout de suite sur la droite, la loge de la concierge.
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    Roland et sa soeur Agnès un jour de Mardi-Gras, dans la cour pavée devant la fenêtre de notre concierge Nicole. Heureusement que la mère n'a pas pris, en même temps, les poubelles qui se trouvaient sur la droite, tout près d'Agnès. La fontaine ou le robinet, toujours gelé en hiver donc d'aucune utilité lorsque nos canalisations étaient gelées. Nous étions obligés d'aller du côté de chez Guy, dans cette minuscule cour ou se trouvait un robinet mieux protégé. Il n'y a pas à dire, c'était mieux côté Guy. Un brin plus riche, ceux du 23 ? Josette Farigoul
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  • PLAN DE LA RUE DU PRESSOIR DANS LES ANNEES 1950/1960

    Il y a plusieurs semaines, j'avais demandé à Josette Farigoul (notre fée Josette, bien sûr !) de poser les contours de la rue du Pressoir sur papier. Pourquoi ne pas l'avoir fait moi-même ? Elle y vécut jusqu'en 1967 tandis que je quittai les lieux, âgé de 6 ans, en 1960. Voici donc un plan de notre rue, signalant l'Impasse du Pressoir, l'Impasse Célestin et le Passage Deschamps. Dans l'angle, la minuscule vignette, indique le 23-25, immeuble où nous vécûmes.

    Dès lors, on peut facilement imaginer (avec l'aide de celles et ceux qui rendent visite à notre site) une animation de ce plan. Chacun y allant de ses souvenirs, retrouvant des images qu'on croyait oubliées, les rives de la rue du Pressoir pourraient indiquer des boutiques, des immeubles, des portes d'entrée. Ce serait rien chouette. Mais là je rêve trop fort. Quoi que ...

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  • BAL RUE DU PRESSOIR

     

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    La fête devant chez Frédo

    Ces enfants qui dansent célèbrent le 14 juillet. Mieux encore, ils sont l'emblème d'une liberté aujourd'hui perdue. La scène se situe à l'angle du passage Deschamps et de la rue du Pressoir. Les voitures ne sont pas les maîtres du terrain. Dans cette portion d'un Belleville ordinaire, l'extraordinaire a lieu. Une magie mêlée au quotidien qu'ont bien connu les habitants d'avant la démolition. Et pourtant, nous le savons tous, les temps étaient bien rudes.

     

  • VERS LA RUE DES COURONNES

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    Bistro chez Jean - Rue du Pressoir

    Avec son choix de rues pavées, vernissées, le cinéma de Jean-Pierre Melville est un relais qui toujours me transporte rue du Pressoir. Je ne sais qui est l'auteur de cette image mais son expéditeur miraculeux, une fois encore, se nomme Josette Farigoul. Peut-être devrais-je dire la fée Josette. Cette portion de la rue du Pressoir se trouve face à notre immeuble d'angle numéroté 23-25. Il faut imaginer que le photographe est posté devant le Garage toujours ouvert. Deux cafés se succèdent sur le trottoir qui mène rue des Couronnes. L'un d'eux s'appelle Chez Jean.

  • MEMOIRE DES RUES

     

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    Thierry Halay est le co-fondateur et le président de l'AHAV (Association d'Histoire et d'Archéologie du Vingtième arrondissement). Il est l'auteur de quelques ouvrages dont Paris et ses quartiers (1998). Dans la collection "Mémoire des rues" qui ouvre ses recueils à tous les arrondissements de Paris, Thierry Halay a réuni 320 photographies évoquant la vie des habitants de Belleville, Saint-Fargeau, Charonne et des alentours du Père-Lachaise. Autant dire que cet ouvrage de 190 pages est une absolue référence pour randonner en souvenir dans la rue du Pressoir et ses environs.

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    La rue du Pressoir vers 1908
    Au sujet de cette image, Thierry Halay précise : "Difficile de croire qu'il était impossible de conserver et de réhabiliter ces immeubles des années 1900."

    Une carte de 1925 situe notre rue au coeur de Belleville. Elle rappelle, nostalgiquement, l'existence des Passages Deschamps, des Impasses du Pressoir et des Célestins.

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    Belleville en 1925

    MEMOIRE DES RUES

    PARIS 20e ARRONDISSEMENT 1900-1940

    THIERRY HALAY

    EDITIONS PARIMAGINE

    www.parimagine.com